Créer un partenariat Qualité / Opérations
Avec environ 60% des activités de R&D sous-traitées auprès des CROs, optimiser la synergie des partenaires est une priorité complexe.
Si l’externalisation de la R&D est une évidence économique, principalement pour les starts-up en phase de croissance et les scales-up en attente d'autorisation de mise sur le marché, la gestion de ces partenariats stratégiques peine à aligner au minimum les standards de qualité, au mieux une synergie des compétences.
» Les avantages et les inconvénients de la digitalisation
Le vecteur de performance le plus engagé aujourd'hui reste la communication: l’omnicanalité qui prône l’utilisation simultanée de la totalité des canaux disponibles est sensée permettre d’éliminer les silos et d’augmenter la visibilité, il n'est pas certain que l'objectif soit atteint.
Curieusement (ou pas), la mode est à la flexibilité et à la quête de sens et c’est bien toute la difficulté : partager l’expérience (client ou patient, c’est la même). Concernant les données sources du patient, la digitalisation aura permis de standardiser l’écriture, celle des médecins et des pharmaciens étant réputée facilement illisible. Cependant, le clavier ne propose pas encore de rédiger clairement et précisément en se préoccupant de l’utilisation des données. Voir pire, la dictée vocale risque de compliquer la synthèse.
A titre tout à fait personnel, j’observe les évolutions de la santé depuis plus de 25 ans, et autant par curiosité que par le hasard des rencontres professionnelles, je constate que la multiplicité des canaux ne fait pas la qualité rédactionnel du contenu.
» Les compétences rédactionnelles et le storytelling
Il se trouve qu’en Recherche Clinique, tout comme dans un poste infirmier, on écrit beaucoup. Entre le rapport de monitoring et le dossier de soins, même levier de performance : la qualité des informations que l’on transmet, à qui, comment et dans quel objectif.
Le projet de soins de l’AP-HP 2015-2019 a réaffirmé dans l’orientation 3 le rôle important de l’évaluation de la tenue du dossier de soins (TDS) qui est l’une des composantes incontournables de l'amélioration continue gérée par les paramédicaux.
La procédure GCPE6R2 comporte 81 terme « écrit » (written) : le rapport d’audit, le rapport d’étude clinique, le contrat, le consentement, le rapport de monitoring, le protocole et ses amendements, entre autres. Tous ces documents établissent une communication entre les parties prenantes, la qualité rédactionnelle n’est pas toujours optimisée, concernant les rapports de monitoring c’est un euphémisme.
Une prise de conscience au premier niveau de qualité, une habitude à prendre, des formations à dispenser, des acteurs de la Recherche Clinique à convaincre : le langage et la communication entre les acteurs d’un processus sont la seule clé de performance qui repose sur plusieurs facteurs dont l’écriture. Cette écriture demande à être simplifiée, adaptée, optimisée.
» Simulation virtuelle et base de Cas Pratiques
La simulation virtuelle, c’est-à-dire la transition de scénarios écrits dans un langage visuel, est une petite révolution qui doit, elle aussi, être contrôlée puisqu’elle repose sur une compétence finalement assez rare, la transition par écrit d’une information destinée à être utilisée à des fins dont les impacts potentiels peuvent engager le patient et la qualité des soins qui lui sont prodigués.
Les scénarios de simulation sont des mini-protocoles, et au même titre, ils doivent être en conformité avec les standards réglementaires. Au-delà de la conformité, ces outils sont aussi le moyen de corriger ou de prévenir les risques « classiques ».
Si le format virtuel dépasse fort probablement le format « e-learning » en termes d’acquisition de l’information et d’adhésion (cette performance est mesurable), il n’en reste pas moins que la sélection des cas pratiques et le choix des « messages de qualité » reposera sur un partenariat, celui de compétences technologiques et opérationnelles, garant d’une synergie qui optimise la performance.
» Provoquer un changement de mentalité
En Recherche Clinique finalement, trois acteurs principaux travaillent ensemble au service du patient : le Promoteur/Sponsor, l’Investigateur et le Prestataire CRO (et ses propres prestataires ou plusieurs prestataires CRO).
L’expérience 30% promoteur - 30% CRO - 30% Investigateurs et 10% patients a forgé une seule certitude très personnelle : la satisfaction des acteurs tient à la qualité de la communication et de la confiance ainsi qu’à la volonté de travailler en synergie.
Les contrats et les procédures opératoires standards sont les deux piliers qui facilitent cette synergie, en plus de la volonté de la gouvernance de sécuriser son budget/son revenu. Il ne s’agit pas de choisir son camp (comme je l’ai entendu récemment dans la bouche d’une Directrice de Pharmacovigilance), il s’agit d’implémenter la qualité dès la phase de conception d’un plan de développement clinique.
Quelques causes racines des conflits entre client et prestataire :
- Incompréhension et/ou méconnaissance des bases réglementaires
- Incompréhension et/ou méconnaissance des bases contractuelles
- Absence de leadesrhip / coordination juridique / clinique
- Absence et/ou incompréhension des périmètres fonctionnels
- Manque de clarté et/ou incompréhension des rôles et responsabilités
- Manque d’expérience et/ou d’expertise opérationnelle
- Absence et/ou déficit du plan de communication
Gérer les risques et la qualité ne devient pas une réalité dès qu’une échéance importante se rapproche, ou bien lorsqu’un conflit interne et/ou interne/externe bloque suffisamment le cycle d’activité pour rechercher un Expert. Cette approche réactive est sous le feux des projecteurs de la réglementation, le changement de mentalité – s’il n’est pas déjà engagé – est une priorité.
Une inspection réglementaire ne se prépare pas : ou plutôt si elle se prépare tous les jours, y compris dès lors qu’elle est notifiée. La base de la collaboration efficace entres les Opérations et la Qualité s’inscrit dans la capacité à agir au quotidien, tout en garantissant l’implémentation d’une Démarche Qualité dont les évidences sont disponibles, revues et validées. Une procédure et des équipes formées « Inspection Readiness » est un signal positif devant une équipe d’inspecteurs le jour « J ». L’inverse se traduira par une somme de signaux négatifs, plus ou moins forts, qui auront des impacts sur un rapport d’Inspection, voir sur une autorisation de mise sur le marché dans le pire des cas.
» Engagement et motivation – Leadership ou Management ?
Donner du sens, embarquer une équipe, motiver : autant de termes qui sont au cœur des préoccupations du pilotage des grands projets structurants depuis des années. Il faut reconnaître que la pluridisciplinarité d’une équipe, conjuguée à la localisation géographique de l'activité faite de différences culturelles invite à découvrir les clés qui fédèrent une équipe.
Et aussi curieux que cela paraisse, je recommande volontiers de considérer la vente et les fondamentaux de la force de vente pour piloter une équipe. La raison principale que je partage avec vous est liée à l’aspect émotionnel de la vente, ce métier qui nécessite une grande intelligence pour faire face au rejet et résister à l’échec, pour s’adapter sans cesse à son marché. Des clés très similaires à celles dont dispose le personnel soignant des services de soins intensifs ou des urgences, la capacité d’établir un diagnostic rapide et précis et de prendre des décisions adaptées.
L’enjeu est une base de motivation, l’adhésion est avant tout fondée sur l’adéquation du projet de l’entreprise et des projets professionnels individuels, au travers des valeurs comme l’intégrité, le courage, le respect. Pour vendre, il faut notamment soigner son capital émotionnel, pour être en capacité de communiquer sa motivation plutôt que les facteurs toxiques du quotidien.
Si l’on ne vend pas la qualité aujourd’hui, la performance des industries de santé continuera de prendre du retard : pas parce que les innovations manquent mais parce que les vendeurs qui promeuvent la qualité sont en nombre insuffisant, les partenariats opérationnels de qualité sont trop rares.
» Fédérer les acteurs du changement et créer un réseau d’influence QRM
Prendre la responsabilité de la qualité d’un service ou d’une entreprise est une chose, implémenter une stratégie de gestion des risques Qualité en est une autre. En plus des compétences techniques réglementaires, la création, l’implémentation ou la transformation nécessite les compétences d’un vendeur.
Quels sont les aspects opérationnels existants aujourd’hui que l’entreprise ou le département est prêt à perdre ou à modifier ?
L’amélioration est un changement, avant de devenir une routine sous la forme de l’amélioration continue, la posture de qualité s’implémente de manière disruptive dans un premier temps. Il ne s’agit pas d’acheter les bénéfices d’une nouvelle solution mais d’accepter de perdre une (mauvaise) habitude. Et l’influence est un facteur puissant de motivation, à utiliser avec précaution : la contamination négative est dramatiquement plus rapide que la contamination positive.
Le réseau est un outil d’influence qui se développe, socialement et dans l’entreprise, de la machine à café au self, en passant par les petits-déjeuners, avec ou sans son téléphone portable au bout de la main. Les couloirs peuvent faire plus de bruit qu'un compte rendu de réunion, soigner l'image de la qualité passe par la promotion de ses bénéfices, avant même de parler de collaboration, la qualité est un service.
Pour monter un projet de collaboration, l’idéal est de travailler en binôme : un expert opérationnel et un expert qualité. Modèle impossible économiquement, c’est la raison pour laquelle votre Expert Qualité doit être un expert PMO / Lean rompu(e) au pilotage transversal des expertises verticales. Dans le contexte de sous-traitance actuel, il devra également maîtriser les codes des cycle de ventes / cycle d’achat, afin de piloter indifféremment des équipes internes et des équipes externes.
» Mutualiser une ressource Qualité, une solution d’avenir
L’expertise Qualité est proactive, si l’on veut bien considérer l’obligation réglementaire de gérer les risques qualité : impliquer un Expert Qualité suite à une inspection est contre-productif, à la limite de l’acceptabilité tant cette approche est réactive.
La gestion d’une seule déviation ou d’une non-conformité, en application d’une procédure Qualité de type CAPA, coûte environ $5K lorsque la magnitude du problème ne concerne qu’une seule procédure, deux à trois fonctions et qu’il n’y a pas d’impact systémique majeur.
Ce même budget, attribué à un Expert Qualité, permet de disposer d’une ressource un jour/semaine, soit 4j/mois de manière à cadrer rapidement les priorités, orienter les Opérations, cartographier une procédure et accompagner sa rédaction, revoir les plans de gestion des études cliniques, bref - accompagner proactivement la performance sans attendre l’urgence.
Mettre en place une collaboration Qualité / Opérations est un investissement auto-financé : deux risques contrôlés suffisent à sécuriser un retour sur investissement, cela donne à réfléchir sur ses engagements budgétaires.